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Ubisoft : Yves Guillemot communique sur la culture toxique, la blockchain et les parts de Tencent

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Nos confrères de GamesIndustry ont pu interviewer Yves Guillemet, PDG d’Ubisoft. Dans ce long échange il revient entre autre sur les différents déboires de l’entreprise (l’incorporation des NFT, régler la toxicité au travail ou encore les parts grandissantes de la société chinoise Tencent chez Ubisoft), on vous résume ça.

« Nous voulons assurer un milieu de travail inclusif, gratifiant et respectueux pour tous. »


« (…) Oui, nous avons trébuché et nous l’avons reconnu. Nous avons beaucoup appris en cours de route et avons fait des progrès significatifs. »

Mise en contexte

Lors de l’été 2020, Ubisoft était l’une des nombreuses sociétés de jeux vidéos à avoir été accusées d’héberger des agresseurs et une culture de travail toxique. À la suite des allégations, le directeur créatif Ashraf Ismail et le directeur des relations publiques Stone Chin ont été licenciés de l’entreprise à la suite d’enquêtes sur des allégations d’inconduite sexuelle.

Plusieurs dirigeants clés ont quitté l’entreprise face à de nouvelles allégations d’abus, notamment le vice-président des services éditoriaux et créatifs Tommy François, Serge Hascoët, le responsable des studios canadiens d’Ubisoft Yannis Mallat et la responsable mondiale des RH Cécile Cornet. Le département de Cornet a également fait l’objet d’un examen minutieux, avec un rapport approfondi du journal français Libération affirmant que de nombreux incidents concernant l’inconduite sexuelle et la culture toxique en milieu de travail avaient été signalés aux RH mais n’avaient pas été suivis ou avaient été entièrement rejetés.

Un an plus tard, une autre publication française – Le Télégramme – a rapporté que tous les changements apportés par Ubisoft pour résoudre les problèmes liés à sa culture d’entreprise avaient eu un impact minime, auquel Guillemot a répondu par une déclaration insistant sur le fait que l’éditeur avait fait « des progrès considérables »

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Un effort continu

Ubisoft a pris un bon nombre de décisions pour améliorer ses politiques d’entreprise.

  • des questionnaires anonymes qui avaient été remplis par plus de 14 000 employés
  • des milliers de personnes avaient participé à des groupes de discussion et à des séances d’écoute afin de mieux comprendre les problèmes au sein de l’entreprise.
  • Ubisoft a également fait appel à des consultants d’Accenture pour revoir ses politiques et procédures RH, ce qui a conduit à un nouveau code de conduite équitable que tous les employés ont dû signer.
  • Des nominations clés ont été faites pour apporter de nouvelles perspectives et diversifier le leadership
  • Même la direction de certains studios locaux a été remaniée
  • Pas plus tard que la semaine dernière, Grant et Sikka ont écrit un billet de blog sur le site d’Ubisoft au sujet d’initiatives supplémentaires en cours d’introduction
  • « La direction dialogue également régulièrement avec les représentants locaux des employés concernés et nous avons trois représentants élus des employés au sein de notre conseil d’administration.« 

Le billet de blog et une conversation ultérieure avec la vice-présidente senior des opérations Marie-Sophie de Waubert reconnaissent qu’il s’agit d’un effort continu : « Ce n’est pas assez, bien sûr, nous devons faire plus. » Et les critiques externes d’Ubisoft sont d’accord.

Ubisoft et la blockchain


La culture d’entreprise n’est pas la seule controverse à laquelle Ubisoft ai été confrontée au cours de l’année écoulée ; l’éditeur a également suscité la colère pour ses alliances avec la blockchain et les NFT (jetons non-fongibles).

La société a été l’une des rares entreprises AAA à s’impliquer dès le début dans cette technologie, son laboratoire d’innovations stratégiques devenant même un nœud dans l’écosystème de la blockchain Tezos. Mais son effort le plus important a été la décision d’ajouter des NFT – ou « Digits », comme les appelait Ubisoft – à Ghost Recon : Breakpoint.

La nouvelle a été critiquée à la fois par les consommateurs et la presse, ainsi que par la confusion de certains membres du personnel d’Ubisoft.

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Le vice-président du laboratoire d’innovations stratégiques d’Ubisoft, Nicolas Pouard, a déclaré dans une interview que les détracteurs des NFT « ne comprennent tout simplement pas » les avantages, mais malgré sa confirmation qu’Ubisoft continuerait à expérimenter ce modèle, il a été annoncé en avril qu’aucun autre jetons ne serait créé pour Breakpoint – seulement trois mois après leur ajout initial.

Depuis lors, il n’y a eu que peu ou pas de nouvelles de Digits ou Quartz – la plate-forme d’Ubisoft conçue pour acquérir et échanger des NFT. Il était également à noter que, comme Guillemot l’a dit aux médias lors de l’événement de Paris sur les technologies : Ubisoft estime l’avenir du jeu et de sa propre entreprise via le cloud computing, la réalité augmentée et la réalité virtuelle. Il n’y avait aucune mention de la blockchain.

Yves guillemot réagit sur le tolet de l’annonce publique d’incorporation de NFT dans Ghost Recon Breakpoint :

« Nous n’étions probablement pas doués pour dire que nous faisions des recherches », admet-il. « Nous aurions dû dire que nous y travaillions, et quand nous aurons quelque chose qui vous apportera un réel avantage, nous vous l’apporterons. »

« En tant qu’entreprise, nous nous sommes lancés tôt dans la VR – nous essayons toujours de nouvelles choses. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas, mais c’est toujours pour s’assurer que nous pouvons apporter une nouvelle expérience aux joueurs qui sera innovante et intéressante. L’objectif de l’entreprise est toujours de créer la meilleure expérience, et les nouvelles technologies sont toujours bonnes pour cela car il y a moins de concurrence et les gens sont plus intéressés pour les essayer. »

« Explorer [la blockchain] ne signifie pas se lancer. Cette industrie évolue rapidement, et nous sommes très prudent quant à l’impact qu’elle aura »

Concilier Blockchain et écologie ?

Un point de discorde majeur avec cette nouvelle technologie, bien sûr, est son impact environnemental – quelque chose qui va à l’encontre des efforts d’Ubisoft ailleurs pour encourager la durabilité.

La société a organisé des événements de sensibilisation à la crise climatique au sein de Riders Republic (y compris une marche numérique de protestation contre le climat), les primes des dirigeants sont liées à la réduction de l’empreinte carbone de l’éditeur, et la conférence parisienne de Guillemot mentionne que 95 % de l’électricité fournie à I3D – la société de serveurs Ubisoft acquis en 2018 – provient de sources renouvelables (et la chaleur produite par ses fermes de serveurs est canalisée pour réchauffer les bâtiments voisins).

Comment, alors, Ubisoft peut-il à la fois expérimenter la blockchain et tenter de sauver la planète ?

« Explorer [la blockchain] ne signifie pas se lancer. Cette industrie évolue rapidement, et nous sommes très prudent quant à l’impact qu’elle aura » Comme tant de choses, au début, ce n’est pas aussi bon qu’il pourrait l’être, mais comme d’autres nouvelles technologies, elles trouveront le bon chemin. » ou pas.

Un porte-parole d’Ubisoft ajoute que les technologies décentralisées ne font pas exception à l’engagement de l’entreprise envers l’environnement, ajoutant que le laboratoire d’innovation stratégique qui dirige sa recherche sur la blockchain travaille avec l’équipe de responsabilité sociale de l’entreprise sur tout ce qu’elle fait.

Le porte-parole a ajouté que la forte consommation d’énergie est principalement un problème pour les blockchain de première génération basées sur le protocole de « proof of work », tandis qu’Ubisoft se concentre sur le travail avec les chaînes de blocs de « proof of stake » moins intensives.

« Ubisoft Quartz, notre première expérience à grande échelle avec la technologie, s’appuie sur la blockchain Tezos ‘proof-of-stake’ qui consomme moins d’énergie par transaction que l’envoi d’e-mails : un e-mail standard équivaut à 4 g de Co² alors qu’une transaction sur Tezos équivaut à 2,5g Co². »

On peut quant même ajouter qu’aucune transaction sur Tezos consomme 0g de Co² d’où la question de rajouter des transactions polluantes vouées à la spéculation dans une industrie de divertissement fréquenté par un jeune publique.

Ubisoft et TENCENT : Début de la fin de l’indépendance ?


La société technologique chinoise, qui détenait déjà une part de 5 % dans Ubisoft, a acquis 49,9 % des actions de l’entreprise , et a ainsi obtenu la possibilité d’augmenter sa part à 10 %.

Guillemot souligne aux journalistes présents que l’entreprise est toujours contrôlée à 51% par les frères Guillemots eux-mêmes. L’accord, dit-il, vise à permettre de nouvelles affaires avec Tencent à l’avenir – en particulier sur le mobile, où la société chinoise a connu plus de succès commerciaux qu’Ubisoft.

« Nous voulions développer notre partenariat », dit-il. « Pour développer l’activité et générer plus de revenus, et pour s’assurer que nos marques soient vraiment partout dans le monde. Créer des jeux AAA sur mobile est assez difficile à faire, donc nous en faisons certains en interne mais nous travaillons également avec des partenaires comme Tencent pour en créer aussi. »

La nouvelle de l’investissement a cependant provoqué une baisse de 15% des actions d’Ubisoft. Interrogé à ce sujet, Guillemot suggère qu’il y a « probablement moins d’incitations pour les gens à acheter pour une vente rapide sur l’entreprise ».

La discussion de la nouvelle a suggéré que c’était une étape vers l’acquisition d’Ubisoft par Tencent, mais Guillemot maintient que l’éditeur souhaite « rester totalement indépendant », ajoutant : « C’était une grande négociation avec Tencent, que nous pouvons avoir le droit de faire ce que nous voulons. « 

Il poursuit : « Cette baisse du cours de l’action est vraiment due au fait que les gens ont l’impression que nous ne sommes qu’avec un seul partenaire, ce qui n’est pas le cas. (…) »

Sur Twitter, l’analyste de Kantan Games, Serkan Toto, a partagé sa propre théorie sur la baisse des actions, suggérant que l’éditeur souffre de jeux médiocres avec peu de choses en préparation pour suggérer que cela va changer.

Lorsque nous demandons à Guillemot ce qu’il en pense, il souligne comment Assassin’s Creed Valhalla – le dernier opus de la série phare de la société – a été le premier à atteindre 1 milliard de dollars de revenus, Far Cry 6 continu également de bien se vendre.

Les jeux sont indéniablement des succès commerciaux mais ce n’est pas le seul prisme de lecture de la qualité d’un jeu vidéo. La grande majorité des derniers titres de l’entreprise sont loin d’être des succès critique majeurs.

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La perspective d’une prise de contrôle de Tencent renvoie à une crise potentielle antérieure dans la vie de l’éditeur

La tentative de prise de contrôle de Vivendi. L’éditeur français de médias de masse a régulièrement augmenté sa participation au point de détenir 27,3 % du capital d’Ubisoft ; s’il avait atteint 30 %, il aurait été obligé de faire une offre d’achat de la société. (Ironiquement, c’est lorsque Vivendi a finalement vendu la totalité de sa participation dans Ubisoft que Tencent a acheté ses premiers 5 %).

Ce fut une période tendue pour l’éditeur, culminant lors de sa présentation à l’E3 2018 où Guillemot, entouré de membres souriants de l’équipe, a déclaré qu’Ubisoft continuerait à rester fièrement indépendant.

« Nous travaillons très dur sur nos nouvelles IP pour étonner les joueurs. La meilleure façon d’y parvenir est très souvent d’être indépendant »

Dans le Q&A, Eurogamer demande si ce sentiment est encore présent aujourd’hui, ce à quoi Guillemot répond :

« Oui. Nous voulons être en mesure de donner des [perspectives] à long terme à tous les employés d’Ubisoft afin qu’ils créer des jeux qui, selon eux, vont être les meilleurs de l’industrie. Alors oui, nous vérifions toujours où nous en sommes dans la concurrence et ce que nous pouvons réaliser afin que nous ne soyons pas proches d’un partenariat avec d’autres sociétés (…).

Notre première intention est de pouvoir maîtriser notre destin. C’est pourquoi nous investissons dans les nouvelles technologies, c’est pourquoi nous examinons comment nous utilisons ces technologies pour créer de nouvelles marques. Notre objectif est de croître en ayant les outils qui permettent à nos marques et à nos équipes de devenir les plus reconnues de l’industrie, et je pense que nous pouvons le faire. »

Conclusion


N’est t-il pas difficile de rester indépendant pendant une période de consolidation de l’industrie ? Les rachats et partenariats se multiplient. Même son rival, Activision Blizzard, est en passe d’être racheté par Microsoft, et les rumeurs abondent selon lesquelles des géants allant d’Amazon à Disney auraient tenté d’acheter Electronic Arts. Ubisoft tient plus que tout à son indépendance mais ne veut pas se priver de croitre pour autant. L’entreprise compte jouer dans cet équilibre à court et moyen terme.

Ubisoft ne compte pas non plus abandonner les technologies en lien avec la blockchain et les NFT mais se font nettement plus discret et ont compris les conséquences que peuvent entrainer un lancement trop hâtif.

Le partenariat avec Tencent est un moteur pour eux pour développer leur pôle mobile et conquérir le marché chinois malgré le fait que certaines entreprises occidentales détruisent leur image de marque avec des modèles économiques immoraux (on pense à Diablo Immortal de Blizzard et NetEase) ou des concessions fasse au régime politique chinois (toujours Blizzard avec l’affaire des soutiens in game à Hong-Kong).

Le cocktail culture toxique (bien qu’en légère amélioration), NFT, Industrie mobile chinoise et modèle économique douteux ne rassure pas du tout de l’avenir de la société même si son PDG affirme veiller au grain à produire des « jeux innovant » comptés parmi « les meilleurs de l’industrie » dans une atmosphère de travail inclusive et saine.

Nous verrons les premiers résultats de tout ça avec la sortie prochaine d’Assassins creed Mirage et des autres projets Assassin’s creed annoncés lors de l’Ubisoft Forward.

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